mercredi 3 octobre 2012

Haleek Maul - Oxyconteen (EP)



De plus en plus de jeunes hommes se sont essayés au lyrisme récemment. La poésie étant tombée dans la désuétude, ils se sont plutôt tournés vers le rap. Probablement parce que ça fait moins tapette et qu'il est plus simple de s'exprimer à l'oral et à travers la musique. À chacun alors de soit faire une liste des choses qu'ils n'aiment pas (Chief Keef, 17 ans), peindre la jolie routine de leur vie (Joey Bada$$, 17 ans) ou encore cracher sa colère et lever ses deux doigts du milieu en direction du monde entier (Tyler, The Creator, 18 ans à la sortie de Bastard) ou enfin de présenter tous ses sentiments, sans omettre de parler de ses pensées les plus sombres, le tout avec finesse et virtuosité (Haleek Maul, 16 ans). Ils sont tous à leur manière les William Cullen Bryant, Edgar Allan Poe et les James Russell Lowell du XXI ème siècle.
Mais le plus virtuose de ce 2012, l'enfant prodige de cette présumée fin du monde, celui qui jongle avec tant de dextérité avec les mots et sait allier parfaitement tabous et subtilité, c'est assurément Haleek Maul.

Le petit bout d'chou de 16 ans a grandi trop vite, malgré lui. Il le dit dans ses morceaux dans lesquels on sent que les mots et le feu qui le brûlent à l'intérieur de son corps ne peuvent être crachés qu'en rappant. Il le déclare dans son EP de sept titres Oxyconteen. C'est un EP sombre écrit par un jeune homme qui a perdu beaucoup de son innocence et de sa naïveté d'enfant.
Dans Oxyconteen, Maul fait tomber les masques, efface les tabous, et dit les choses qu'on n'a jamais osé dire. Le thème du suicide y est omniprésent. Tout au long de son sept titres, il parle de ce qu'on a souvent voulu éviter et toujours eu du mal à expliquer et nous plonge dans l'obscurité totale. Difficile de comprendre ce qu'il se passe avec tout ce mystère et ces incompréhensions sans cesse. Dès son "Intro", Haleek Maul place directement son auditeur dans un court face à face, une brève épreuve qui ne le laissera pas indemne. Lorsqu'il prend son souffle pour commencer à réciter les premiers mots de "Inebriated", nous voilà perdus dans un tourbillon de douleur. Voilà que tout remonte à la surface, et que très vite la douleur de Haleek devient nôtre et qu'il est impossible de revenir en arrière, nous voilà dans un tunnel dont la fin semble déjà loin. Et à Maul de dire ce qui résonne dans la tête à ce moment-là, "I wanna go back, but I can't". La douleur se calme lorsque dans "88" Malik ne veut que parler de ses expériences et aventures et obtient finalement la confiance de son auditeur qui devient son interlocuteur. Et il continue sur "Gully", le petit garçon peiné par ce monde qui lui est trop hostile, et qui ne lui veut jamais du bien. Haleek se transforme en quelqu'un d'autre, il n'a plus l'air si méchant. Il explique en fait ce qu'il est, "I am not a person I'm just verses stuck inside your head". C'est à partir de ce moment qu'on comprend qu'on est comme Maria, la vierge du film Metropolis. Maria qui court dans les ténèbres des catacombes en tentant d'échapper au Mal et se heurte sans cesse aux murs, aux obstacles : l'amour, le deuil , le mal-être. Ou peut-être qu'on tente d'échapper à la réalité : ne pas vouloir savoir que c'est nous le mal, le démon auquel on tente d'échapper dans cette obscurité épaisse et qu'au final, la lumière que tient le présumé diable est en fait tout ce qui représente la candeur qu'on a perdue. Une course qui se fait sur la voix plaintive de Malik dans "Prince Midas" et "Fraulein" alors que les sentiments de l'interlocuteur deviennent aussi ceux de Haleek Maul. Et à la fin du septième titre "Forever" à l'atmosphère étouffante, on retrouve un Haleek essouflé d'avoir dit tout ce qu'il avait à dire. Ou peut-être que c'est l'interlocuteur qui est essoufflé, d'avoir couru dans les catacombes, dans ce long tunnel, pour échapper à la peur et au Ma(u)l. On ne le saura pas et Malik semble se moquer quand il répète "You could live forever, but you could never get it" sans cesse. Une triste vérité qui arrive, comme une baffe dans la gueule.
Une vraie baffe, comme cet EP, qui nous laisse avec un nombre infini d'interrogations, sur Haleek Maul et sur soi.

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